Rentrée littéraire semaine 3
C'est la rentrée littéraire, le moment pour nous de vous rappeler l'existence de la collection L'Orpailleur dirigée par Christophe Havot chez az'art atelier éditions.Eliette, est le premier roman de Christophe Havot qui anime ce blog depuis février 2011 et y propose notamment de nombreux textes courts.
image Laurent Maginelle |
(...) J’ai poussé les deux vantaux qui constituent la porte principale et qui étaient maintenus par un verrou extérieur. Autrefois, quand la ferme était encore en activité, seul celui du bas était fermé dans la journée pour empêcher les poules et les poulets d’aller y souiller la litière renouvelée régulièrement le matin et changée entièrement au moins une fois par semaine. Et c’est peut-être aussi cette odeur de paille et de bouse de vache et plus encore d’herbe grasse, mâchée et remâchée jusqu’à être complètement vidée de son suc puis expulsée, qui envahit maintenant mes narines. Par endroits les murs s’effritent et je remarque au sol de petits monticules irréguliers de chaux et de ciment qui se sont détachés et que personne n’a jugé bon d’enlever car de toute façon c’est ce qui arrivera à l’étable entière : s’effriter peu à peu pour ne plus être qu’un tas informe et inodore dont il deviendra impossible (et qui s’en soucierait ?) de rétablir la fonction première, et même de l’imaginer ; une ruine parmi d’autres : maison, étable, poulailler, hangar, remise, cellier… tous appelés à perdre en plus de leur existence la nécessité même de ce qui les maintenait debout, leur rôle bien défini, pour n’être plus désignés que par ce terme générique de ruine qui finira par tout recouvrir ici. Les abreuvoirs sont secs, mais en actionnant la plaque de ferraille, comme le faisaient les vaches avec leur museau, un léger filet d’eau suinte et je suppose que le circuit du puits fonctionne encore mais je n’insiste pas. Pour quelque raison obscure, la porte par laquelle circulaient les vaches est barricadée de l’intérieur avec des planches clouées au mur qui renforcent le verrou ; elle a même été consolidée dans le bas avec des morceaux de bois hétéroclites aux couleurs bigarrées et aucun air ne provient de l’extérieur, de ce chemin qui garde encore par endroits l’empreinte des sabots.
« J’espérais vous trouver là. Que vous ne seriez pas au b… bourg à vous… comme les autres. Enivrer. » Comme je ressors de l’étable et prends bien soin d’en refermer la porte, Eliette apparaît, littéralement une apparition, incongrue en ce lieu et encore plus improbable que la visite que je viens d’effectuer. Elle s’approche de moi. « Vous m’avez dit de passer. » Comme si elle souhaitait se justifier et me tend, avec une légère hésitation, un tremblement imperceptible, la main droite qu’elle sort de la poche de son imperméable. Je la serre dans la mienne et comme elle est maintenant tout proche de moi, je sens passer une fragrance nouvelle, artificielle, d’iode : son parfum. (...)
« J’espérais vous trouver là. Que vous ne seriez pas au b… bourg à vous… comme les autres. Enivrer. » Comme je ressors de l’étable et prends bien soin d’en refermer la porte, Eliette apparaît, littéralement une apparition, incongrue en ce lieu et encore plus improbable que la visite que je viens d’effectuer. Elle s’approche de moi. « Vous m’avez dit de passer. » Comme si elle souhaitait se justifier et me tend, avec une légère hésitation, un tremblement imperceptible, la main droite qu’elle sort de la poche de son imperméable. Je la serre dans la mienne et comme elle est maintenant tout proche de moi, je sens passer une fragrance nouvelle, artificielle, d’iode : son parfum. (...)
Musique : Eliette vu par Jeehak (création originale) ECOUTER
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