dimanche 29 septembre 2013

SEMAINE 14 / Christophe Havot

WHEN I WAS A MOOR Dylan Whitman Waller
ECOUTEZ / LISTEN
Pour mon père, vacances rime avec kilomètres. On dirait que son plaisir c’est de rouler, de nous emmener n’importe où, ma sœur, ma mère et moi. De préférence il nous fait lever à l’aube pour pouvoir emprunter ensuite les itinéraires les plus longs, les plus tortueux, sur des petites routes de campagne où aucune voiture ne s’aventure comme si les autoroutes n’existaient pas pour lui. Parfois j’essaie de suivre sur des cartes le trajet qu’il semble avoir mémorisé entièrement mais j’abandonne assez vite, la plupart du temps. Je branche alors mon mp3 et ferme les yeux, somnolente, pour ne les ouvrir que par intermittence, découvrant à chaque fois un nouveau paysage, inconnu.

My father measures holidays in miles. He seems to find pleasure in the ride itself, taking us anywhere my sister, my mother and I. He particularly delights in us getting up at dawn in order to then choose the longest and most tortuous of routes, along small country roads no one ever dares to take, just as if motorways did not exist. Sometimes I try to follow on the map the route he seems to have entirely memorised , most of the time I soon give up. I switch on my MP3 player and close my eyes, half asleep, to only intermittently open them, each time to discover a new and unknown landscape.

dimanche 22 septembre 2013

SEMAINE 13 / France Paquay

TRIBUTE 5-01 kévin paul cahay (tomorrow massacre) & Didié Nietzsche
ECOUTEZ / LISTEN

Montepulciano


Mardi 30 juillet 17h08 - Retour de Montepulciano vers Castel del Piano, après une dégustation de vin. Doux bercement de la carriole, le défilement des paysages comme un documentaire géo sans son, le grésillement de la radio des routes locales, l’air conditionné me caresse gentiment les joues. Mon esprit se vide lentement de mes questions sur la condition de l’homme sur son environnement et surtout l’inverse, des dizaines de réponses à cela... Je suis bien, la lumière est belle et calmement mes yeux se ferment. Je m’endors.


Tuesday 30 July at 5.08pm
Return journey from Montepulciano towards Castel de Piano, after a wine tasting. Gentle rocking movement of the carriage, the scenery scrolling by as part of a silent nature documentary, the crackling sounds on the local traffic radio, the air conditioning gently caressing my cheeks. My head slowly drained of questions about the human impact on the environment and more so about the reverse, to which I hold dozens of answers...
I feel good, such beautiful light and peacefully my eyes close. I fall asleep.

dimanche 15 septembre 2013

SEMAINE 12 / Christophe Havot

DESCENDING Jhonnie Kratong
ECOUTEZ / LISTEN

Chaque soir, en rentrant du travail (le matin, à cause des nombreuses voies à sens unique, mon parcours est sensiblement différent) je longe ces barres d’immeubles gris que ni les vêtements colorés qui sèchent sur les balcons étroits ni les paraboles innombrables, taches blanches posées là comme pour une installation d’art contemporain, ne réussissent à égayer. Et chaque soir je pense à cet homme qui s’est jeté d’un cinquième étage, le corps recouvert d’essence enflammée pour faire bonne mesure il y a déjà plus d’un an. Il avait griffonné un mot, un seul sur une feuille de papier quadrillé arrachée à un cahier d’écolier : « pardon ». Comme si c’était lui qu’il fallait pardonner et non tout le reste.

Every evening, coming home from work (in the mornings due to numerous one way streets my route is slightly different) I drive along rows and rows of grey buildings that neither the bright coloured clothes drying on the narrow balconies, nor the many satellite dishes, white dots placed as if part of an art installation, could ever hope to brighten up. And every evening I remember the man who more than a year ago, threw himself from the fifth floor of a building, covered in petrol in flames for good measure. He had scribbled two words only on a sheet of paper torn out of a school exercise book : "forgive me". As if he was the one we should forgive and not every thing else.

dimanche 8 septembre 2013

SEMAINE 11 / France Paquay

MODULATION OVER MODULATION Kevin Paul Cahay
ECOUTEZ / LISTEN

Senlis, 5 juin

Ce jeudi 5 juin, nous reprenons la route en sens inverse. Ces pressentiments... Senlis, 15h39, sur le bas côté, un homme des routes vient de perdre la vie, fauché par un camion. J’imagine son épouse, elle va recevoir le coup de fil qui va le lui annoncer. Voyage triste.

It's Tuesday June the 5th and we are again on the road, but on the way back. Strange these feelings one gets...Senlis, 3.39pm, on the side of the road a maintenance man lies dead, just got hit by a passing truck. My thoughts go to his wife, about to receive the news on the phone. A sad trip indeed.

dimanche 1 septembre 2013

SEMAINE 10 / Christophe Havot

DO YOU LIKE SPICY THINGS Dylan Whitman Waller
ECOUTEZ / LISTEN


Nous roulions depuis des kilomètres, sans rien dire. Nous avions laissé la ville derrière nous et j’avais préféré éviter l’autoroute pour ne pas cautionner l’escroquerie des péages. La route serpentait dans la campagne entre les champs fleuris et ceux non encore semés. J’ai mis ma main droite sur sa cuisse et elle l’a recouverte avec sa main gauche. Lorsque j’ai tourné la tête vers elle, brièvement, j’ai vu qu’elle pleurait en silence, que des larmes coulaient sur ses joues. J’ai un peu serré mon étreinte. Elle a reniflé. Nous savions que l’histoire touchait à sa fin, qu’une fois rentrés à S. nous ne nous verrions plus, qu’elle retournerait vivre avec celui dont elle ne pouvait se détacher. C’était comme si nous partagions un conte tragique, une de ces aventures mythologiques au cours desquelles, les héros ont beau se démener, c’est toujours ce qui était prévu qui advient. Sans autre issue possible. Comme si, quoi qu’il arrive, nous n’avions aucune prise sur les événements et leur enchaînement. J’ai hésité avant de foncer droit sur un arbre et de défier le sort.

We had been driving for miles without a word. Having left the city behind I opted to avoid the motorway to show how I felt about the fraudulent toll system. The road meandered through the countryside between fields in bloom and some still bare. I rested my hand on her thigh and she covered it with her left hand. As I briefly turned to her, I saw she was crying quietly, tears just rolling down her cheeks. I tightened my grip slightly. She was sniffing. We both knew our story was coming to an end, that once back at S. we would not see each other anymore, she would go back to live with the man she could not part from. It was as if we shared a tragic tale, one of those mythical adventures where despite the heroes efforts, the resolution is inevitable. No other way is conceivable. As if whatever happens we have no control over the course of events and how they unfold. I hesitated before speeding straight into a tree in a desire to tempt fate.