dimanche 22 mai 2011

SEMAINE # 9     /CH
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Place Pinel
Décidé, mon fils, six ans et demi, n’a pas souhaité m’accompagner au vernissage. Il a prétexté qu’il connaissait déjà toutes mes photographies. J’ai eu beau argumenter et surtout certifier que, cette fois, il ne s’agissait pas de mes images, il n’a pas voulu en démordre. Même la perspective de se gaver de biscuits salés et de pistaches grillées en buvant quelque boisson gazéifiée ne l’a pas séduit et il est resté ferme sur sa position. C’est donc seul que je me suis rendu sur les lieux. 
Il aurait fallu que je précise qu’il n’y aurait ni galerie, ni musée, pas même d’œuvres accrochées sur des murs, juste une tentative de partage dans un lieu imprécis et ouvert. Il aurait fallu, surtout, que je me montre plus persuasif, que j’énumère toutes les possibilités qui nous attendaient, tous les chemins détournés que nous pourrions prendre avant d’arriver à destination, tous les tunnels où il nous faudrait avancer à tâtons dans une humidité étouffante, cramponnés à des murs suintants, tous les ruisseaux qu’il nous faudrait traverser, certains à l’eau limpide d’autres, charriant toutes sortes de terres leur conférant les couleurs les plus magiques, toutes les rencontres inédites auxquelles nous pourrions être confrontés : aventuriers n’affrontant aucun péril autre que celui de la folie qui guette à se prendre trop au sérieux, artistes en jachère, pèlerins d’un autre monde avec lesquels nous aurions des échanges palpitants et uniques, que j’évoque aussi toutes les musiques inaudibles que nous pourrions deviner à travers les murs ou même, qui sait, entendre aux abords d’un kiosque à musique, tous les trésors cachés que nous pourrions découvrir comme si de toute éternité ils n’avaient attendu que nous, ou mieux, comme si personne jusqu’alors n’avait osé penser qu’il s’agissait de trésors. Mais il est encore trop jeune pour que je lui décrive ce parcours chaotique sans risquer de l’effrayer un peu et s’il aime les jeux de piste et la quête de trésors, ceux qu’ils risquaient de trouver, ce soir-là, avec moi, ne lui seraient pas apparus comme tels mais comme de nouvelles preuves de la distance qui le sépare encore de l’âge adulte et de ses préoccupations. Je me suis donc abstenu et il dormait déjà, entouré de ses animaux en peluche protecteurs et complices, lorsque je suis rentré, après la tombée de la nuit, à la maison.

TEMPLES  /  Deleyaman
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