SEMAINE # 5 /CH
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Bureaux à louer |
Chaque
jour nous imprimons, sur du papier immaculé, quantités de documents à l’utilité
douteuse qui tous, invariablement et irrémédiablement, finiront un jour où
l’autre, à échéance plus ou moins lointaine, dans un bac en plastique où des
jeunes femmes de ménage au corps désirable et à la peau ambrée viendront les
collecter en vue d’un recyclage hypothétique pour un salaire insuffisant,
probablement parce qu’elles n’ont pas d’autre choix, et nous pas davantage, qui
doutons de l’efficacité éphémère de ces rapports, notes, directives lus d’un
œil distrait entre deux autres tâches sans intérêt. Assis toute la journée ou
presque je rédige, sans y croire mais avec le plus grand soin, les bilans qu’on
m’a chargé de préparer. A vrai dire j’ignore à qui cela peut bien servir et
j’aimerais parfois assister à l’une de ces réunions au cours desquelles ces
dossiers sont servis comme autant de pièces à conviction sur les sujets les
plus variés avant d’être remisés au fond d’une sacoche puis rangés, oubliés et
enfin jetés sans avoir réellement apporté la moindre avancée à qui que ce soit.
Les tiroirs de mon bureau sont remplis d’exemplaires imprimés, sauvegarde
complémentaire de celle effectuée directement sur l’ordinateur. Régulièrement
j’en jette certains dont les dates me paraissent trop lointaines pour qu’ils
aient encore quelque pertinence et je sais d’expérience que jamais personne ne
viendra réclamer ces objets périmés que j’ai ainsi laissé détruire et revenir à
l’état de pâte à papier. Il est impossible d’ouvrir les fenêtres, tous les
locaux sont climatisés. On aperçoit quelques arbres, en bas, qui commencent à
se couvrir de feuilles d’un vert tendre. De l’extérieur on ne peut pas
distinguer ce qui se passe ici car les vitres sont teintées et renvoient les reflets
du ciel et des immeubles alentour, dont certains sont encore en construction,
ou toujours vides, tous bâtis sur le même modèle, où je devine d’autres hommes
et d’autres femmes plongés dans des rédactions complexes et détaillées
d’analyses, de chiffres, de listes aussi vaines et dérisoires que les miennes. Pour
combien de temps encore ?